Comme un fantôme je flotte ; je flotte au dessus de nous. Je ne
m'attache pas aux détails de cette chambre glauque, je survole le lit,
les chaises...Je ne vois que nous.
Je suis assise là, sur le bureau devant toi. Ni totalement habillée, ni
totalement dévêtue, juste un long chemisier blanc, retombant sur mes
cuisses, la tête penchée vers l'avant, les cheveux en bataille... En
attente ? De toi ? De quoi ? Pas vraiment là, pas totalement absente,
juste posée, exposée...
Je ne te regarde pas, ou ne te vois pas. A moins que je n'ose pas lever
les yeux vers toi...Par quoi suis-je intimidée ?
Tu t'avances, tu as l'air sûr de toi, ni hésitant, ni souriant, juste
droit et fier dans une démarche féline . A quoi penses-tu ? Es-tu aussi
angoissé que moi ?
Tu parcours les quelques mètres qui nous séparent. Je sens tes yeux sur
moi, ils me brûlent.
Je relève mon visage, plante mes yeux dans les tiens et attends.
Un geste ? Un sourire ? Un clin d'oeil ? Un mouvement qui m'indiquerais
ce que tu veux ?
Aide moi !
Il faut que tu fasses le premier pas, je ne peux pas. Je suis tétanisée,
j'ai peur que tu recules si j'approche ma main pour caresser ton visage.
Tes yeux restent plantés dans les miens, tu ne dis pas un mot. Tu
scrutes mes moindres gestes, mes moindres frissons. Tu as déjà remarqué
ma lèvre supérieure tremblante, dans l'attente d'un baiser que tu te
retiens de lui donner.
Je nous observe, spectatrice impuissante de ce théâtre de marionnettes,
où la peur prend le pas sur le désir, où l'attente dirige les acteurs,
pour faire durer ce qui aura une finalité déjà écrite.
Tes yeux rivés aux miens, tu te glisses contre le bureau, dans l'espace
qui nous sépare d'à peine quelques centimètres. Te cales entre mes
cuisses juste entre ouvertes, naturellement, comme si cet espace t'était
destiné.
J'ai des papillons dans le ventre, tes yeux me pénètrent avec
insistance. Tu ne cherches pas une permission déjà obtenue.Tu ordonnes !
Et j'obéis...
Mes mains déboutonnent le premier bouton de ta chemise, puis l'autre,
plus sûres d'elles. Mes doigts glissent sur ta peau, tu ne réagis pas
mais je perçois les frissons qui te parcourent. Je prends mon temps, à
la fois victime et bourreau de mon impatience, mes doigts trainent
curieux sur ton ventre, légèrement , avides de ta peau, de ton odeur,
dégagent les pans de ta chemise pris dans ton jean. Ma respiration
accélère.....et ce baiser qui ne vient pas....
Enfin ce sont tes mains qui ouvrent mon chemisier, pour laisser
apparaître ma poitrine déjà dréssée vers toi. Les paumes de tes mains
sont chaudes, rassurantes... Elles deviennent pressantes, descendantes.
Je les sens appuyer sur mes reins, soulever mes fesses pour me
rapprocher de tes hanches.
Fébrilement je te libère de ce jean qui t'oppresse, pour te laisser
apparaître prometteur de félicité.
N'y tenant plus j'accomplis le geste que tu attendais et noues mes
jambes dans ton dos, t'attirant ainsi en moi.
Je me sens soudainement brûler, entière, complète.
Je devine plus que ne ressens tes mains sur mes hanches, entends ton
souffle, frissonne sous ta bouche dans mon cou.
Je vois mes mains dans tes cheveux, te retenant, ne voulant que tu
cesses. Je vois nos bassins s'agiter, d'abord lentement dans la même
danse sensuelle, puis leurs mouvements se font plus nerveux, plus
rapides, portés par nos rythmes frénétiques.
J'entends nos souffles, nos respirations saccadées, excitées par la vue
de nos propres ébats, spectatrice du film que nous jouons, fantôme
voyeur.....
Enfin nous cessons de bouger.
Je t'ai senti tressaillir, tu m'as sentie céder.
Nous restons là, vidés, apaisés par cette première fois, soudés l'un a
l'autre, sans mouvements.
Est-ce toi ou moi qui a osé le premier ? Nous nous embrassons...enfin .